Le théâtre annamite
D’après « Chants et traditions populaires des annamites »
Gustave Dumoutier 1890.
« Il n’y a pas, à proprement parler, de théatre annamite ;
c’est le théâtre chinois que les Annamites ont pris de toutes pièces,
avec sa scène toujours ouverte, ses accessoires, ses costumes et son orchestre ; nous ajouterons même que pendant longtemps on n’a joué en Annam que des pièces chinoises, en langue chinoise, et que ce n’est qu’à une époque relativement récente que des auteurs qui, du reste, n’ont pas été pour la plupart imprimés, ont composé des scénarios rappelant certaines phases intéressantes de l’histoire ou de la vie publique annamite. Mais les costumes sont restés chinois, l’orchestre chinois,
et si parfois le dialogue est en langue annamite , il est à chaque instant coupé de chants et de poésies qui sont, eux, comme nous l’avons dit dans l’avant-propos de cet ouvrage, en chinois de style écrit, c’est-à-dire absolument incompréhensibles à l’audition, inconvénient que ne parvient pas à faire disparaitre le soin que prend l’acteur d’exagérer, jusqu’à en perdre la voix, le rythme, le ton, la prosodie spéciale à chacun des caractères écrits qui, étant donné leur agencement synthétique et concret, ne peuvent etre compris que par l’oeil et non par l’Ouïe.
Les Chinois ont cependant un choix extrêmement varié de pièces de théâtre, écrites en chinois de langue parlée que les spectateurs comprennent et qui représentent des scènes de la vie ordinaire ; les Annamites ne les ont pas imités en cela, et même, lorsque nos acteurs ont sur la scène quelque chose à dire en annamite, ils n’emploient pas le langage de tous les jours, les locutions familières que tout le monde comprend, mais bien une langue soi-disant élevée dans laquelle les mots chinois, prononcés à l’annamite figurent pour un bon tiers.
Il suffira, pour avoir une idée du théâtre annamite, de lire la traduction d’une seule pièce, le lecteur remarquera que l’introduction de celle que nous donnons ici rappelle le prologue des mystères, farces et soties que l’on jouait jadis à Paris sur le Pont-Neuf. »